Toulouse-Lyon, en autorail par le Massif Central
A l'heure du tout TGV et de la désertification ferroviaire, on oublie souvent le passé ferroviaire de certaines lignes, ouvertes seulement au trafic TER pour certaines, ou fermées pour d'autres. Par les lignes mythiques du Massif Central, sinueuses et traversant de magnifiques paysages, retour sur la transversale Lyon-Toulouse et le "TL/LT".
Il existait une époque où les trajets directs étaient seulement directs sur le papier... A l'orée du chemin de fer, le seul moyen de transport assez rapide à l'époque, chaque ville devait être reliée au rail. Au fil du maillage du réseau, des transversales se créerent, parfois incongrues, permettant l'instauration de trains directs sans changements, mais d'une durée de trajet non négligeable ! Un détail qui provoqua pour la majorité d'entre eux une fin au milieu du vingtième siècle.
Bertholène, sur la ligne Rodez-Séverac, un an avant la suppression définitive du Toulouse-Lyon. L'"autorail express" marque l'arrêt devant le BV Midi. (ph ©JPD, DR)
La radiale Toulouse-Lyon par Rodez, Séverac, Mende, La Bastide, St Georges d'Aurac, Le Puy en Velay, St Etienne et enfin Lyon, fait partie de ces transversales où une relation directe fut créée assez tardivement tout de même, alors que les dernières lignes constituant la transversale furent ouvertes en 1902 (Carmaux-Rodez et Mende-La Bastide).
Toulouse-Lyon, une histoire d'autorails
C'est l'arrivée de l'autorail dans les années trente qui motiva la création d'une relation directe Toulouse-Lyon, avec notamment la construction d'un centre-autorails à Carmaux et à Lyon-Vaise en 1934 et 1935. Mais il faudra attendre 1952, soit 50 ans après l'ouverture des deux dernières sections de la radiale, pour que l'idée d'un autorail direct Toulouse-Lyon soit envisagée. Au printemps 1952, du 3 avril au 3 mai, un ADX 2 de Carmaux effectua à titre d'essais le trajet Toulouse-Lyon. L'expérience fut reconduite à l'été où l'autorail Toulouse-Lyon fut inauguré à Mende. Dès les débuts, la relation fut périodique, de fin juin à mi-septembre.
Le 16 juillet 1985, le 5495/4 Lyon-Toulouse est à quai en gare de St Gerges d'Aurac. L'X 2854 assurait le train, avec une XR 6000. (ph.©F.POUS, DR)
En 1958, les jeunes X 2800 (livrés pour les premiers exemplaires en 1957 au dépôt de Carmaux) assurèrent le Toulouse-Lyon. Plus confortables et comportant des places de 1ère et 2de classe (les ADX 2 et leurs remorques n'offraient que des places de 3ème classe), ils n'étaient pourtant pas plus rapides. La durée du parcours oscillait alors entre 10h30 et 11h. Les premiers X 2800 modernisés furent affectés à la relation à l'été 1977.
Le plus souvent, la composition du TL/LT était assurée par un autorail et une remorque, à quelques rares exceptions près (ajout d'un deuxième autorails sur une certaine partie du trajet, etc...).
Wagons à bestiaux, rails DC, BV Midi... Une atmosphère typique en gare de Bertholène que l'express vient perturber avec le doux son du MGO de l'X 2800...
Dès les années 1980, l'express Toulouse-Lyon, connaissant une baisse de fréquentation depuis déjà quelques années, fut menacé comme bon nombre d'express périodiques. Sa suppression était prévue à l'été 1987 ; mais il connut un sursis jusqu'en 1988. Finalement, le dernier Toulouse-Lyon circula le samedi 27 août après 37 ans de bon et loyaux services...
Le Massif Central et le rail...
A travers cet autorail et sa suppression, c'est l'image d'un Massif Central ferroviaire en pleine agonie : même si la situation, en 1988, n'était pas la même qu'aujourd'hui avec la présence de nombreux express diurnes et nocturnes, et de lignes aujourd'hui fermées, le rail était déjà sur la douce mais sûre pente de la désertification ferroviaire... Mais il est sûr aujourd'hui que le Toulouse-Lyon ne pouvait, dans sa forme classique, être plus compétitif qu'un simple autorail express à la vocation surtout touristique et locale, permettant de désenclaver des territoires exclus par la route ou excentrés par de trop grandes ruptures de charges en train omnibus. Les grandes lignes, la voiture, le bus ont vite concurrencé le direct...
Le Monastier en juillet 1979 : le tête à queue de l'X 2800 en cabine, qui vient d'effectuer l'impasse et va s'atteler à la XR 6000... Le Toulouse-Lyon devait en effet rebrousser pour partir en suite sur Mende, et inversement. (ph. ©B.VIEU, DR)
Un autre type de matériel, les RTG (Rame à Turbine à Gaz), pratique pour leurs réversibilités et leurs capacité avait été utilisé entre Toulouse et Lyon en août 1982, pour tester un nouveau type de turbines sur le profil accidenté de la transversale. A l'image du Lyon-Bordeaux, empruntant une autre transversale du Massif Central, assuré jusqu'en 2004 en RTG, il était dans l'idée de certains que ce type de rames aurait pu sauver la relation... Mais il fallait se rendre à l'évidence : 1988 était déjà assez tard et Toulouse-Lyon en 11h revenait surtout du périple touristique.
Aujourd'hui, si les derniers express du Massif Central, l'Aubrac Clermont Ferrand-Béziers et le Cévenol Clermont-Nîmes subsistent, c'est surtout grâce aux paysages traversés et au tourisme qu'ils génèrent. Des facteurs non-négligeables sur des lignes vouées à leur mise en service à un avenir plus clément, mais qui connurent ces dernières années des périodes difficiles. La région Occitanie reprend la main sur ces dernières relations et sur la pérennisation des lignes menacées, avec notamment le maintien de l'Aubrac et du Cévenol et l'arrivée de nouvelles rames pour ces relations.
L'un des derniers "express" du Massif Central, le Cévenol Clermont Ferrand-Nîmes. Assuré à l'été 2016 en rame tractée (expérience reconduite pour l'été 2017), il est vu ici à St Bauzély le 29 juin 2016, sur la partie finale de son parcours peu avant Nîmes. (ph. ©Vincent.P, DR)
En quelques décennies, le rail a changé : il faut aller plus vite, plus loin. Trains de nuit, express diurnes des transversales oubliées, tout cela fait ou fera partie du passé à l'heure du TGV, des TER et des maintes exigences des voyageurs pressés. Si il y avait bien un train qui prenait son temps, c'était le Toulouse-Lyon !
9 lignes pour une transversale
Entre Toulouse et Lyon, il aura fallu neuf lignes pour constituer la transversale...
Ligne |
Compagnie |
Date d'ouverture |
Etat actuel |
Toulouse-Albi |
Paris-Orléans |
24 octobre 1864 |
Ouverte, trafic TER et fret, non-électrifiée, voie unique majoritairement |
Albi-Carmaux |
Grand-Central puis Cie du Midi |
12 décembre 1857 |
Ouverte, trafic TER et Intercités, non électrifiée, voie unique |
Carmaux-Rodez |
Midi |
18 décembre 1902 |
Ouverte, trafic TER et Intercités, non électrifiée, voie unique |
Rodez-Séverac |
Midi |
14 mai 1880 |
Ouverte, trafic TER, non électrifiée, voie unique |
Séverac-Mende |
Midi |
3 mai 1883 |
Ouverte, trafic TER (IC Aubrac entre le Monastier et Séverac sur la ligne des Causses), électrifiée entreLe Monastier et Séverac, voie unique |
Mende-La Bastide |
Midi |
15 novembre 1902 |
Ouverte, trafic TER, non électrifiée, voie unique |
La Bastide-St Georges d'Aurac-Le Puy |
Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) |
18 mai 1874 |
Ouverte, trafic TER (IC Cévenol entre St Georges d'A. et La Bastide) et fret, voie unique, non électrifiée |
Le Puy-St Etienne |
PLM |
14 mai 1866 |
Ouverte, trafic TER, électrifiée entre Firminy et St Etienne, voie unique (double voie de Firminy à St Etienne) |
St Etienne-Lyon |
Ordonnance de Charles X, puis PLM |
1832 |
Ouverte, trafic TER, fret, TGV, électrifiée, double voie |
©Ferrovi11, juillet 2017
Bibliographie : Hors-Série Le Train n° 85 "Toulouse-Lyon à travers le Massif Central", janvier 2016